Volume 7, numéro 1, hiver 2016
Une facette peu étudiée du don d'organes est celle concernant les patients pédiatriques. Au Québec, cette catégorie de donneurs se situe entre 6,5 % et 9 % de l'ensemble des donneurs. Il est certain que la mort d'un enfant est souvent inattendue et que le deuil à faire pour les proches est souvent long. Une avenue possible à offrir aux familles en soins de fin de vie est le don d'organes. Les infirmières1 constituent le seul groupe professionnel à être constamment au chevet du patient et, indirectement, de sa famille. Par contre, leurs rôles dans ce contexte sont mal définis et leur implication dans le processus est souvent minimale. Dans les soins critiques, que sont les départements d'urgence et de soins intensifs pédiatriques, la vision est curative. Une difficulté s'inscrit lorsqu'il faut passer d'un paradigme curatif à palliatif.
Le processus du don commence par l'identification des donneurs potentiels. Cela passe par la connaissance des critères. Le premier, pour être considéré comme donneur potentiel, est le diagnostic de décès neurologique (DDN). Pourtant, dans une étude espagnole, 34 % des infirmières ne comprenaient pas suffisamment le DDN pour l'expliquer aux proches du patient. Au Québec, de 2009 à 2011, il y a eu 45 donneurs potentiels pédiatriques identifiés a posteriori. De ce nombre, 5 donneurs potentiels pédiatriques n'ont pas été identifiés et 8 familles ont refusé le don d'organes. Il est démontré qu'une relation de confiance satisfaisante entre l'équipe soignante et la famille contribue à un taux plus élevé de consentement au don par les familles. Il faut aussi s'assurer que l'information prodiguée à la famille est congruente entre tous les membres multidisciplinaires. La littérature montre que les infirmières sont peu sensibilisées à la problématique du don d'organes et peu formées pour accompagner les familles dans ce contexte particulier. La littérature montre aussi clairement un plus haut taux de refus de la famille si l'approche et le soutien sont inadéquats. On peut par conséquent penser qu'un programme de formation donné aux infirmières peut contribuer à augmenter le taux de dons et améliorer la coordination des soins, la probité des informations et le soutien aux familles.
Notre recherche a donc pour but de développer et d'évaluer une intervention de formation continue sur le processus de don d'organes basée sur les besoins de formation des infirmières et infirmiers travaillant en milieu de soins critiques pédiatriques. La problématique a d'abord été identifiée par Transplant-Québec et corroborée par les milieux de soins. Les milieux à l'étude sont les unités d'urgence et de soins intensifs de l'Hôpital de Montréal pour enfants et de Sainte-Justine. L'étude se déroulera en deux principaux volets : 1) L'évaluation des besoins de formation et 2) La mise en place et l'évaluation d'une activité de formation continue.
Pour le premier volet, cinq groupes seront formés : un groupe d'experts (infirmières, cadres des unités et médecins spécialistes en transplantation) et quatre d'infirmières. Les outils de collecte de données seront disponibles sur la plateforme Moodle de l'Université de Sherbrooke. Les participants commenceront par répondre à un questionnaire sur leurs attitudes, intérêts et connaissances au sujet du don d'organes. Ce questionnaire portera aussi sur les caractéristiques socio-démographiques des participants. Ensuite, les participants seront conviés à interagir avec un groupe de discussion virtuel servant à confirmer et à nuancer les résultats obtenus au questionnaire. Le mode asynchrone des groupes de discussions virtuels sera facilitant, puisque les participants potentiels travaillent sur des quarts de travail différents. Ces résultats serviront à l'élaboration du deuxième volet. Un questionnaire de connaissances spécifique sera administré par les participants avant et après l'activité de formation continue ainsi qu'un autre questionnaire d'évaluation de l'activité de formation.
Nous espérons que cette recherche innovante permettra aux infirmières de clarifier et de justifier leur rôle au sein de l'équipe multidisciplinaire tout au long du processus de don d'organes. Elle consolidera leurs connaissances probantes dans le soutien aux familles et leur permettra de recontextualiser la recherche dans d'autres situations critiques. Le rôle d'advocacy étant au centre des prérogatives des infirmières, nous espérons que ce type d'étude donnera une avenue possible aux familles dans ce contexte difficile et qu'il sera ainsi possible de sauver plus de vie.
Pierre-Luc Tremblay, inf. B. Sc., M. Sc. inf. (c.)
1. Le féminin n'a pour but que d'alléger le texte et désigne aussi bien les infirmières que les infirmiers.
Mots clés